dimanche 22 septembre 2013

7. Arches



Delicate Arch


Mesa Arch, la première arche de notre voyage, se trouve bien dans à Canyonlands. Mais c'est dans le parc Arches proprement dit, assez proche du précédent, que l'on verra le plus de formations géologiques de ce type. Nous nous organisons pour arriver en fin d'après-midi. En effet, la célèbre Delicate Arch mérite d'être contemplée au couchant. On en trouve la figure dans tous les guides de voyage, et même sur les plaques minéralogiques de l'Utah. Curieux pays, décidément, qui utilise les immatriculations comme placards touristiques...

Organisés, donc, pour arriver au point P à l'heure H, c'est ce que nous pensions. Le parking est plein et j'ai bien de la chance de trouver un recoin pour faufiler l'Infiniti entre deux gigantesques camping-cars - si l'on peut les appeler ainsi, car ce sont plutôt des appartements roulants, avec salon, salle de bain et cuisine dernier cri.

Équipés comme il se doit - chaussures de marche, couvre-chefs, poche à eau dans le sac à dos - nous marchons bon train vers notre destination. Nous avions noté sur notre journal de préparatifs : "courte marche. 20 minutes".


La première partie du trajet - encore facile


Erreur de recopie ou mauvais conseil ? Au bout de vingt bonnes minutes, toujours pas d'arche. Nous suivons un chemin rocailleux qui monte et qui descend. Après chaque côte nous pensons trouver enfin l'arche à portée de vue ; mais ce sont encore d'autres montées et descentes qui s'annoncent. Loin, très loin devant nous, je vois d'autres randonneurs se presser sur le dos d'un rocher plat qui les emmène par-delà la ligne d'horizon. Je me demande bien ce que ces gens cherchent là-bas, puisque l'arche tant convoitée doit être à proximité ?

Notre enthousiasme froidit encore quand l'interminable chemin de caillasses rejoint ce fameux rocher plat. Et à notre tour nous ahanons sur l'échine pentue du roc, non sans jeter un regard rétrospectif et un peu amer sur la cohorte de promeneurs que nous distinguons loin derrière, pleins d'espoir sur le sentier rocailleux. Mais au bout se trouve certainement la récompense l'arche délicate, pensions-nous.

A l'assaut du rocher plat

A tort. Le chemin s'est maintenant rétréci et forme une corniche au long d'une falaise. Il faut non seulement éviter la chute mais se protéger par-dessus le marché des autres touristes qui font des moulinets avec leur trépied. Dans un souci d'immortaliser le crépuscule, j'ai forcé le pas pour prendre un peu d'avance sur les filles. Mais au vu de l'allure que prend la "courte randonnée" je décide de les attendre ; à ma grande surprise elles ne sont que quelques pas derrière moi. Alexandra, aussi naturelle que si elle allait à la boulangerie du coin, commente allègrement la situation. Sa fraîcheur contraste avec la mine harassée et impatiente des adultes. Vieillir, oh, vieillir...

La ballade touche à sa fin. Cet endroit si sauvage paraît pensé pour le spectacle. Un amphithéâtre de roche permet à chacun de s'asseoir pour admirer Delicate Arch tout en reprenant des forces. Le soleil est sur le point de disparaître mais le ciel est trop nuageux pour créer l'illumination espérée. Je me rabats sur les feux du couchant qui peinent à traverser l'éther.

Couchant


Mais l'arche est bien là, triomphale du haut de ses vingt bons mètres. Délicate, elle ne l'est pas vraiment. Cette nouvelle manifestation des puissances terrestres impose plutôt le respect. En dépit de cela il paraît qu'autrefois les gens du lieu l’appelaient "culotte de vieille fille", expression irrévérencieuse mais bien trouvée, il faut le dire.

Amphithéâtre de roche et Delicate Arch

Le chemin du retour, comme à l'accoutumée, est plus facile que l'aller. C'est que nous connaissons maintenant ces corniches, ces plats rochers et les ondulations du sentier rocailleux. Nous remarquons, loin dans le no mans's land, un touriste égaré. Il a voulu devancer son groupe et se trouve maintenant tout seul en pleine nature. Son guide, exaspéré, lui vocifère de rejoindre la meute, mais le quidam reste placidement là-bas, le nez dans les étoiles, sous l'emprise d'une contemplation muette. L'accompagnateur maugrée quelques mots dénués de tout politiquement correct et s'en file par des chemins de traverse récupérer la brebis égarée. Nous ne savons pas ce qu'ils sont devenus.

La nuit est tombée, une vraie nuit du désert plongé dans des ténèbres de sortilège. Nous nous mêlons à des groupes de Japonais qui sont équipés de lampes frontales : gadget salutaire en l'occurrence pour éviter les faux pas.

Les gigantesques appartements roulants sont partis et nous retrouvons la cellule douillette de l'Infiniti, isolée sur l'aire de parking. Là, nous nous remettons de la plus mémorable marche de notre séjour ; et songeons que la beauté naît aussi de l'imprévu.


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