mercredi 18 septembre 2013

6. Canyonlands


Nul n'est censé ignorer la loi de la gravitation. 

A quelques pas de notre sentier bée l’abîme de tous les vertiges. Une barrière, pour quoi faire ? Sautez donc, si cela vous chante ! Et ne venez pas vous plaindre si après avoir joué au mariole l'on vous récupère quelques centaines de mètres en contrebas éparpillé façon puzzle.

Upheaval Dome
A Canyonlands nous constatons une nouvelle fois combien l'individu est respecté. Le promeneur, considéré à juste titre comme un être doué de raison, est mis devant les conséquences de ses actes, fussent-ils de vouloir vérifier in vivo que la force d'attraction est bien fonction inverse du carré de la distance.

Your safety is your responsability, dit la pancarte.

On ne saurait l'oublier. Nous côtoyons vides abyssaux sans le moindre garde-fou. Chacun prend soin de soi, regarde où il met les pieds et évite de jouer au héros. Nous contemplons ainsi depuis les hauteurs le Upheaval Dome, structure naturelle faisant penser à un volcan surgi au beau milieu d'un lac de terre rouge.

Mais ce n'est certainement pas un volcan. La première théorie, placide, explique que cette structure s'est formée au fil du temps par le jeu de roches souterraines repoussant vers le haut des gisements de sel. La seconde, de type catastrophique, milite pour la chute d'une météorite. Le dôme en forme de cratère serait la séquelle du gigantesque impact.

Je retrouve ici la sensation inouïe qui m'avait étreint lors de la contemplation du Grand Canyon. Celle de voir une mer vidée de son eau. Un tel univers est impossible à embrasser d'un simple regard. Gouffres, pitons, combles et éboulis posent la mesure de la plus inouïe des rhapsodies en ocre.

La Mesa Arch est la première formation géologique de ce type que nous rencontrons.

Mesa Arch

Un boyau de roche pris d'on ne sait quelle convulsion jaillit d'un massif pour joindre la terre ferme quelques mètres plus loin ; l'échancrure ainsi formée dessine à travers l'éther une fenêtre sur un nouveau monde enchanté.




Vue depuis l'intérieur de Mesa Arch


Green River
La verte rivière de Green River se dérobe à nos regards. Elle est pourtant là, tapie dans les replis sédimentaires, secrètement protégée de la terrible chaleur de l'astre. Nous savons qu'elle ira nourrir de ses eaux émeraude le flot irrépressible du Colorado.

Grand View Overlook a toute la semblance du rêve d'un démon. La contemplation de ces déchirures effraye l'âme autant qu'elle l'attire ; nous mesurons notre insignifiance de pauvres bipèdes à l'aune de ces tableaux gigantesques pensés par un génie ou un fou.

Grand View Overlook


Le White Rim Overlook se mérite. Le trajet d'une heure - aller simple - à travers rochers lisses et xérophytes acérés mène aux confins du monde. Là, à l'abris sous un roc tout de guingois, nous méditons devant l'empreinte improbable d'une patte démesurée aux trois longs doigts.


White Rim

White Rim Overlook

White Rim Overlook

Je m'interroge sur la foi sincère qui imprègne ce pays. Est-on plus enclin à croire lorsque l'on côtoie de telles merveilles ? Comment ne pas être davantage conforté dans sa conviction en un au-delà quand l'on est le propre témoin de l'indicible ? Je me demande si la foi mormonne aurait pu se développer à ce point sans ces paysages dans lesquels il est si facile de voir la trace d'une puissance surnaturelle.


Un visiteur silencieux

Island in the Sky

Faute d'être un Terrence Mallick en pantalons courts et couvre-chef Décathlon, je dois renoncer à illustrer mon sentiment par la magie de l'image ; ces pauvres photos témoignent de mes vains efforts pour rapporter la fugitive impression d'un monde aride et géométrique qu'une une vie entière ne suffirait pas à explorer.


Dirty Red Art



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