vendredi 2 septembre 2011

Désenchantement, la suite

L’autoréférentialité du nom « Circus Circus » me met la puce à l’oreille. Je me demande en un éclair d’ironie si les fondateurs du casino n’ont pas voulu rendre un hommage au Festivus Festivus de Philippe Muray. Le jouir sans entraves de cette euphorie perpétuelle n’est-elle pas incarnée en ce lieu même par celui qui cirque qu’il cirque ? Quelle meilleure tactique que le confuso-onirisme végasien pour enterrer les restes de l’Histoire au son des machines à sous, et célébrer ainsi le règne du mort-vivant infantile et voué à le rester, monstrueusement enfanté par le nouveau millénaire au beau milieu des vivats ?

Un cri de mon estomac met fin à cette digression involontaire de mes neurones. On a beau s’interroger sur la post-histoire, il faut bien s’alimenter. Un premier restaurant est fermé. Ou plutôt non, il est grand ouvert, mais vide. Personne à table, personne derrière le comptoir, aucun serveur, aucune explication, seule la vacuité d’une salle illuminée et sans vie.

Nous fuyons cette scène de cauchemar en nous réfugiant dans un Mexicain rapide. Mauvaise pioche, la foule s’y presse déjà et l’attente s’annonce longue… Nous goûtons sans plaisir les plats qui nous sont enfin desservis. Chers et sans saveur : décidément, le Circus Circus a tout pour plaire ! en quittant le restaurant je feins une douleur au ventre pour alerter les amateurs de la file d’attente. Mon jeu de benêt apostrophe un Américain entre deux âges : « Hey, do you mean the food is really bad here ? » « worst than that », répliqué-je, heureux d’avoir été compris. Comment la pantomime vient au secours de la gastronomie !

Rendre la voiture à Alamo est un jeu d’enfants. Nous arrivons dans le parking du loueur où un agent examine brièvement le véhicule, appuie sur un bouton de son terminal portable et me tend une facturette. « That’s all right. You can go. » Adieu, Dodge Nitro aux chromes enchanteurs, tu buvais beaucoup mais nous t’aimions bien. Ce soir nous dormirons à Los Angeles.

A la cité des Anges nous attend une autre voiture de location. Nous la rendrons directement à l’aéroport de San Francisco : en Californie, les frais d’abandon sont offerts, profitons-en ! Le choix du modèle est plus mince, au propre comme au figuré. Nous repartons au volant d’une Jeep Patriot. Ce n’est pas un monstre comme la Dodge, mais un solide 4x4 à l’électronique moderne, mieux adapté à la ville.

Les abords de l’aéroport sont sans charme particulier. Nous longeons immeubles de bureau et habitations prosaïques au fil du trajet vers l’hôtel. Pour celui-ci, nous avons cassé la tirelire et aligné les dollars : le Comfort Inn Near Walk of Fame se trouve au cœur même de Hollywood, sur le Sunset Boulevard si cher aux vrais cinéphiles.

Je m’impatiente à découvrir ce quartier mythique tant la banlieue sans fin que nous n’en finissons pas de traverser me pèse, quand le GPS m’arrache à mes pensées. « Vous êtes arrivés », énonce l’engin. Comment cela, voyons donc, le TomTom a dû se tromper. Cette avenue sombre et bétonnée ne saurait être le Sunset Boulevard, n’est-ce pas ? Et l’hôtel si onéreux de nos rêves se serait transformé en cette sorte d’Ibis de périphérie, aux murs défraîchis ?

Nous devons nous rendre à l’évidence. Hollywood n’est pas le lieu chic et choc que nous convoitions. Peut-être demain, la visite de l’avenue des stars et des quartiers résidentiels sous un soleil radieux nous fera changer d’avis. Pour l’heure nous nous mettons en quête d’un endroit pour le dîner.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire