samedi 20 août 2011

Points de vue

Le lendemain matin, le programme est clairement établi : pour être tranquilles, nous rendons la chambre et chargeons l'auto. Ensuite nous poursuivons la visite du Grand Canyon avec la navette. Une fois de retour du premier circuit nous visiterons le reste en voiture, puisque certains points de vue sont accessibles à tout un chacun depuis la route. Fin de la visite et voyage vers Monument Valley.

La visite des points de vue confirme l'enchantement de la première impression, faite d'une telle immensité qu'elle paraît irréelle. Inutile d'aligner les superlatifs. Toutes ces images, nous ne les connaissions que trop bien depuis notre enfance, à travers livres d'images ou films d'aventure. Mais on a beau s'y attendre, rien ne préparait à une telle contemplation.

Et nous ne sommes encore qu'au début du séjour ! Je me demande si ce que nous avons prévu de visiter par la suite réussira à nous intéresser et ne sera pas complètement fade à côté des impressions de Grand Canyon ? On le verra, pourtant, nous n'étions qu'au commencement des merveilles.

Pour le déjeuner nous nous arrêtons dans un petit self service. Rien d'extraordinaire en vérité, mais je ne peux m'empêcher d'apprécier la tenue du lieu. Pas de poubelles débordantes, pas d'emballages vides sur le sol, même autour des tables de pique-nique. Les toilettes sont irréprochables sans avoir l'aspect quasi clinique que l'on remarque en Allemagne ou en Suisse. Le self n'est animé d'aucune musique, de sorte que nous entendons tous les murmures de la forêt. L'endroit est simplement accueillant comme un chez-soi familier.

On me demande de remplir un questionnaire sur le parc national du Grand Canyon. Je formule trois remarques.

Tout d'abord, qu'une boutique photo ferait fortune. Comment résister à la tentation de ramener un souvenir, même vague, de la démesure du panorama ? Tous les touristes sont munis de numériques reflex ou bridge. Qui serait assez fort pour renoncer à acquérir un objectif grand angle opportunément mis en vente au cœur même du Parc ? Je me prends à regretter le non-achat, même à prix fort, du zoom testé quelques jours plus tôt à Las Vegas..

Une telle boutique (ce sera ma seconde remarque) proposerait des kits de nettoyage des capteurs, inévitablement salis par des petites poussières à force de changer les objectifs. Je m'étonne de ne pas trouver le minimum (une simple bombe à air comprimé aurait fait l'affaire) dans le supermarché pourtant plutôt bien achalandé.

Je formule enfin la suggestion de compléter le rayon CD du magasin principal par de la musique classique américaine. Je sais que cela est une de mes marottes, mais tout de même, quel dommage d'avoir eu des artistes inspirés par l'endroit sans que l'on mette à profit leurs créations.

Prenez Ferde Grofé, surtout réputé pour avoir orchestré la Rhapsody in Blue de Gershwin. L'homme, bien américain malgré l'accent aigu de son nom issu d'une lointaine lignée française, a écrit une Grand Canyon Suite pour orchestre symphonique connue de tous les Américains. Le pas de l'âne de son mouvement central (On the trail) accompagne d'innombrables cartoons. J'ai même entendu cette musique dans le train qui fait le tour de Dysneyland Paris. L'oeuvre possède une tempête impressionnante (Cloudburst) et a été dirigée par Toscanini et Bernstein.

Plus anecdotiquement, je suggère aussi des oeuvres d'Anton Philipp Heinrich. Celui que l'on nomma le Beethoven américain est aujourd'hui seulement connu par quelques encyclopédies. Heinrich, si ma mémoire est bonne, avait illustré en musique l'improbable dialogue d'un rossignol et d'un ours par-delà le Grand Canyon. Une scène musicale dont l'écrivain Josef Škvorecký tire un passage savoureux dans son roman Scherzo Capriccioso (Dvořák in love).

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